Une corde, un colt est un excellent western, j'ai été agréablement surpris par la qualité de ce film ; Robert Hossein est décidément un grand homme tant sur le plan de la réalisation qu'en tant qu'acteur. Ce western est d'une grande expressivité en dépit du peu de dialogues. Les rares interventions orales des acteurs permettent cependant de contribuer à l'ambiance du film. Tout se joue sur les regards mis en valeur d'une façon très subtile, les expressions diverses des personnages et surtout les paysages, désertiques, venteux, poussiéreux, qui, en dépit des grands espaces semblent un huis-clos qui se referme lentement sur les personnages (j'en réfère à l'ambiance oppressante de la ville fantôme et à la ferme cernée de collines de Ben et de son épouse). Le terme de "tragédie" emprunté à Giré me semble très approprié ; la vengeance devient pour Maria son unique raison de vivre qui lui permettra d'affronter l'ennemi avec courage et détermination tout comme une érinye grecque. Maria évoque également la figure de la Vierge Marie (le nom n'a pas été choisi au hasard) qui voit un être cher se faire sacrifier et qui supporte dignement cette épreuve, voulant offrir à son défunt époux une digne sépulture. Face à la mort, Maria est prise d'un doute et d'une soudaine envie de vivre auprès de Manuel ; ce regret final est l'une des principales sources d'émotion du film. Michèle Mercier s'en sort merveilleusement bien dans ce rôle de femme blessée.
Le personnage de Manuel, homme fuyant et mystérieux, est exceptionnellement interprété par Robert Hossein ; c'est un personnage attachant cependant (la scène du dîner avec la sorcière dans le pot de moutarde, ce tic de mettre un gant à sa main droite alors qu'il est gaucher et dégaine donc son arme de la main gauche, sa dévotion, son amour pour Maria en font un être tout particulier). Je n'ai pas particulièrement trouvé les méchants fades ; cependant ils sont pour la plupart plus humains que de coutume, ce qui atténue avec bonheur l'effet manichéen que l'on retrouve dans de nombreux westerns. L'incursion de Manuel dans la vie courante d'une famille élargie qui se plaît aux facéties atténue les méfaits de cette bande de voleurs. Le méchant ne sera au final qu'un père qui voudra récupérer sa fille, violée et maltraitée. Point de gentil très gentil et de méchant très méchant,
Une corde, un colt embrasse l'âme humaine dans toute sa complexité et toute ses contradictions, quand les intérêt des uns font le malheur des autres. La scène finale est exceptionnelle, je crois que c'est une de mes scènes finales favorites, à placer presqu'au même rang qu'un duel final de Leone ; Manuel, lassé de vivre et désireux de retrouver Maria affrontera la mort devant les yeux, refusant ainsi son ultime duel. Je remarque que toutes les attitudes de Manuel sont soigneusement préparées ; à l'approche de la mort, il se recroqueville en chien de fusil, évoquant un être profondément blessé, tant d'âme que de corps.
La bande originale d'André Hossein ne m'a pas du tout semblé si mauvaise, elle était un mélange d'accents morriconiens certes mais avait des touches hispanisantes qui faisaient penser à des morceaux d'Andrés Segovia à la guitare sèche.
Bref, j'ai beaucoup aimé !