Au départ, la seule chose qui m'avait géné, dans "Shane" (l'Homme des vallées perdues), était l'acteur Alan Ladd, avec son brushing, son révolver brillant, son impeccable costume en peau avec les franges et les moulinets qu'il faisait avec son révolver...
Cela détonnait avec le reste d'un film au réalisme presque sordide. Cette ville, en admettant que nous puissions appeler ainsi, les deux baraques plantées dans la boue, ces personnages rustres et durs, ce tueur mythique habillé de noir dont les revolvers penchent aggressivement... Ce côté "aube de l'humanité".
Mais j'ai fini par comprendre que ce bel Alan, n'était qu'une image. Qu'il était vu ainsi par les yeux de l'enfant (Il n'y a d'ailleurs que l'enfant qui le voit faire des moulinets de son arme). C'est le héros dont il rêve, un demi-Dieu : il doit être parfait... Imaginez un peu Galaad en haillons !
Et là, les choses s'emboîtent. Le preux chevalier qui ne fait que passer, poursuivant quelque quête mystérieuse, paré de ses armes étincelantes ; les dames et les enfants l'admirent ; il s'arrête pour venir au secours des faibles et des opprimés en s'attaquant au dragon. Mieux, il se mêle aux pauvres gens, car il n'est pas hautain, mais il repartira son devoir accompli car son destin est ailleurs (la quête de la pureté ?)...
Ainsi, une fois réglé ce personnage si étonnant et détonnant, il nous reste un western plutôt réaliste*. Le duel est court, mais extraordinairement fort avec Jack Palance qui, sous l'impact des balles, percute table et chaises (c'est une volonté du réalisateur qui revenait de la guerre que de montrer les dégats que pouvait faire un six-coups ; pour une fois que je regarde les bonus !
). Le héros est blessé (il ne faut pas que ce soit trop facile : pour l'enfant, souffrir dans sa chair est une preuve de sacrifice), mais il est attaqué par derrière : un chevalier invincible ne saurait être navré que par immonde traîtrise !
Disons-le tout net : j'avais adoré ce film quand, vers 12 ans, je l'avais vu comme un simple western. Plus tard, au niveau mythique (très manichéen), je ne l'en ai aimé que davantage ; aujourd'hui la métaphore m'a ouvert d'autres horizons qui semblent expliquer aussi bien le choix d'Alan Ladd** que le jeu de Jean Arthur.
A mes yeux, un réel petit chef-d'œuvre !
Mdr... maintenant j'ai envie de le revoir ; allez, salut. Je me le remets !
(Au moins, j'en ai convaincu un... Moi !!!
)
*Tout le monde sait ici que Jack Palance a inspiré Fil Defer (un Lucky Luke), mais regardez les premières images du décor : Morris avait tout compris !
** Toujours dans les bonus, est rapportée une phrase d'Alan Ladd. J'ai bien aimé tourner avec George Stevens. C'est un grand réalisateur ; il me laisse du temps. Je ne suis peut-être pas le meilleur acteur au monde, mais je suis fort sur les pauses..."